A vélo sur la Route de la Foi

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« Le vélo a l’avantage d’être une passion complète », et ce n’est pas forcément sur la route du Tour qu’elle s’exprime de la façon la plus enthousiasmante (même si nous n’avons rien contre le Tour, au contraire !). Avec leur dernier ouvrage paru à compte d’auteur, Foucauld Duchange et Bertrand Trichet nous apporte une nouvelle preuve de la magie du cyclisme amateur. Magie ? Sacralité, devrait-on dire !

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Roaditude – Foucauld Duchange et Bertrand Trichet, vous publiez D’une chapelle l’autre. Pouvez-vous vous présenter pour nos lecteurs ?

Foucauld Duchange – Je suis concepteur-rédacteur indépendant, j’habite à Paris, je suis l’auteur de Monuments du cyclisme (Tana, 2017) et je collabore à l’hebdomadaire Le 1, au magazine 200 ou encore à la plateforme éditoriale de Strava.

Bertrand Trichet – Je suis directeur marketing et j’ai participé à de nombreux livres et magazines dont Dirt Ollies (Bildshone Bücher), East of the Adriatic (19/80) ou encore From Dirt to Dust (19/80). Après dix ans à Barcelone et quatre à Paris, je vis actuellement à Biarritz. 

D’où vient votre intérêt, voire même votre passion, pour la petite reine ?

Foucauld Duchange – C’est une longue histoire, pleine d’étapes, mais disons que j’ai un caractère assez passionné et que le vélo a l’avantage d’être une passion complète. Il y a toujours un aspect à creuser, qu’il s’agisse d’un paysage à découvrir, d’un défi à relever ou de nouvelles personnes avec qui rouler, sans même parler du matériel, de l’histoire du sport, de l’actualité des courses, etc. 

Bertrand Trichet – Pour ma part, j’ai commencé à rouler lorsque je vivais à Barcelone. Il y avait pas mal de synergies entre le monde du skate dont je fais partie et le renouveau du vélo, ne serait-ce qu’avec un cadreur comme Legor Cicli qui a conçu le vélo avec lequel j’ai fait le voyage des chapelles. Après mon déménagement à Paris, le vélo a été le meilleur moyen de retrouver un peu de nature le week-end, puis un bon prétexte pour partir en week-end. 

A vous lire, on découvre que vous n’avez pas forcément le même rythme, ni la même approche du vélo… Quelle a été l’inspiration de ce projet, et comment vous êtes-vous retrouvés autour ?

Foucauld Duchange – Le projet est né de la lecture d’un supplément du Monde qui évoquait la chapelle Notre-Dame des Cyclistes. Cela m’avait intrigué puis, en me renseignant, j’ai découvert l’existence des deux autres chapelles. L’envie de les relier à vélo est née dans la foulée, mais je n’avais pas envie de voyager seul. Je me suis alors souvenu d’East of the Adriatic, le premier livre de Bertrand, dans lequel un écrivain et deux photographes étaient comme trois artistes qui participaient à une exposition ayant un thème commun, sans pour autant intervenir dans le travail des autres. L’approche me semblait être la bonne et c’est ce qui fait que les photographies de Bertrand ne sont pas l’illustration de mon texte, tandis que ce dernier n’est pas la légende des images. Quant au design graphique, le travail a été réalisé par Jad Hussein, qui avait déjà réalisé la maquette d’East of the Adriatic. Il y a donc une forme de continuité et de cohérence entre ces deux projets pourtant bien différents. 

Bertrand Trichet – Côté logistique, j’ai accepté le projet en moins de cinq minutes. Ma seule contrainte était liée au nombre de jours. Il fallait que tout puisse tenir en dix étapes, pas plus, ce qui nous a obligé à tout faire d’une traite, sans journée de repos. En contrepartie, nous avons passé beaucoup de temps à dessiner le parcours, ce qui nous a permis d’avoir un itinéraire magnifique tout du long, à quelques rares exceptions inévitables (la traversée de Turin aux heures de pointe sous la pluie…).

Votre récit, fatalement, renvoie au sens de l’effort, à sa dimension spirituelle, voire mystique. Pédaler le dimanche matin, c’est vraiment mieux que d’aller à l’église ?

Foucauld Duchange – Pour ma part, je pédale le samedi et vais à l’église le dimanche ! Mais à part cela, le vélo est aussi une très belle manière de communier avec la création. D’ailleurs, c’est un peu ce qui y est dit dans la prière qui accompagne la statue de Notre-Dame-des-Cyclistes : « Marie, Reine du Monde, protège la terre parcourue en tous sens par les cyclistes amoureux de la belle nature du Seigneur. » 

Bertrand Trichet – Moins versé vers la religion, je suis persuadé que l’effort physique nous met dans un état d’esprit propre à nous émerveiller dans la nature et ainsi d’en profiter. C’est aussi une fuite vers l’avant parfois. 

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Durant votre périple, vous avez croisé Chris Froome par hasard… Votre projet s’inscrit dans une approche du vélo qui vise à élargir le champ de celui-ci, mais, en même temps, on voit que vous êtes des vieux fans du Tour et de ses héros. Quelle part des choses faites-vous entre culture et sport, entre aventure et performance ?

Foucauld Duchange – Côté culture, le cyclisme en tant que sport de compétition est presque né pour faire vendre des journaux et il suffit de voir les tirages astronomiques de l’âge d’or du vélo pour comprendre que cela fonctionnait plutôt bien. En contrepartie, le récit des courses était magnifié et les mythes pèsent lourds, surtout dans la patrie du Tour. Malgré tout le respect que je témoigne à leurs exploits, il y a tout de même un moment où l’on en a marre qu’on nous ressorte Eddy Merckx et Bernard Hinault tous les étés alors que pour ma part je n’étais même pas né lors du cinquième Tour de ce dernier. On connaît leur histoire, passons à autre chose ! Notre génération doit écrire sa propre histoire du vélo, quitte à ce que cela se fasse avec une approche différente, plus proche de celle des sports de glisse. Côté performance, je trouve que nous sommes actuellement face à un paradoxe : le cyclisme d’aventure a connu une renaissance en réaction au sport professionnel qu’on pourrait qualifier de mutant (franchement, qui a pris du plaisir devant cette mascarade qu’était le Tour 2020 ?), mais les épreuves actuelles versent trop souvent dans la longue distance systématique. Je crois qu’il y aurait une nécessité à créer des formats plus courts en ressuscitant les courses de village ou en facilitant les critériums urbains, mais aussi en imaginant des challenges en gravel qui fassent moins de cent kilomètres, ou moins de deux cent pour la route, avec davantage d’ancrages territoriaux. Je ne vois pas l’intérêt de partir faire un challenge dans les Alpes ou dans les Flandres si c’est pour ne rien vivre de la culture régionale avant, pendant et après l’épreuve, tout en mangeant les mêmes barres industrielles aux ravitos. 

Bertrand Trichet – De mon coté, je suis poussé par l’aventure et le fun, je m’accommode bien de la partie performance physique car c’est un outil pour découvrir de nouvelles choses. Par conséquent, je ne suis que très peu le World Tour de l’UCI. 

Au début d’un récit de voyage, on a toujours un peu peur de s’ennuyer… Ce qui est plaisant dans le vôtre, c’est qu’il est enrichi d’anecdotes et de réflexions, partagées souvent avec humour. Avez-vous d’autres projets du même type ?

Foucauld Duchange – Merci beaucoup, nous sommes très touchés. Côté projet, il y en avait un dans les fourneaux, en l’honneur d’un événement qui a malheureusement été reporté à cause du COVID. Le projet principal est surtout de rouler au maximum avec notre bande qu’est l’Amicale Cycliste car cela nous a beaucoup manqué en 2020 et continue à nous manquer en ce début d’année.


Foucauld Duchange et Bertrand Trichet, D’une chapelle l’autre, L'impeccable, Paris, 2021. Le livre peut être commandé dans notre boutique en ligne.

(Interview : Laurent Pittet, Nyon, Suisse / Crédit photo : Foucauld Duchange et Bertrand Trichet)