Baby Driver, la route comme piste de danse

6ème long métrage de l’auteur de la trilogie Cornetto et de Scott Pilgrim, Baby Driver nous emmène sur les chapeaux de roues à la poursuite de Baby, chauffeur pour braqueurs de banque et fou de musique. Attachez vos ceintures, ce gamin conduit comme un dieu sur les traces de Mad Max, Drive et autres Fast and Furious, dans un univers où la musique est reine et où le bug d’un Ipod peut avoir des conséquences terribles.

526239-1-e1501010090832.jpg

Adolescent décontracté et attachant, celui que les flics appellent « Le Fantôme de la route 85 », Miles « Baby », est aussi un as du volant. Endetté auprès de Doc, un « cerveau » de braquages plutôt bon prince, il officie  comme chauffeur et extracteur lors des attaques menées par ses sbires. Drifter au sang-froid de samouraï, il a jusque-là toujours réussi à ramener les braqueurs au bercail sans encombre. Mais payer sa dette ne suffit jamais vraiment chez les voyous : lui aussi devra se salir les mains, comme les autres… Et puis, Baby a un autre problème : il souffre d’un acouphène, et doit donc en permanence écouter de la musique, de préférence à fond, pour pouvoir fonctionner sans devenir dingue.

 « Ce n’est pas ton monde »
Contrairement à ses « collègues », Baby n’a pas l’âme d’un voyou. Traumatisé par l’accident de voiture dans lequel ses parents sont morts, il abhorre la violence et méprise les criminels qu’il est obligé de cotoyer pour rembourser sa dette. Il tente même parfois de calmer les ardeurs meurtrières de la bande à Doc, n’hésitant pas à leur mettre des bâtons dans les roues – au péril de sa vie – pour faire épargner des innocents. Chevaleresque, Baby est un garçon qui possède un sens aigu des responsabilités et du devoir. Son père adoptif le met d’ailleurs en garde, alors qu’il frime avec une liasse de dollars : ce monde, dans lequel il évolue, n’est pas le sien.

Il faut dire que l’équipe de braqueurs de Doc est composée de personnages grâtinés, tous cocaïnomanes, comme Bats (Jamie Foxx), cliché du proxénète pontifiant, si mégalomane qu’il passe son temps à s’écouter parler, complètement accro au meurtre (Jamie Foxx, en roue libre). Il y a la belle Darling (Eiza Gonzalez), primitive et totalement dénuée d’empathie. Et puis Buddy (le subtil Jon Hamm), ex-trader désespéré et hagard, qui semble porter à Baby un intérêt quelque peu paternel… Mais lorsque l’argent vient à manquer et que les dealers se font pressants pour récupérer leur dû, il redevient alors un prédateur impitoyable.

« Just me, the music and the road »
C’est le rêve inaccessible de Baby, il voudrait prendre la Route 20, peut-être jusqu’en Oregon, la tête pleine de musique, en communion, la brutalité du monde loin derrière lui…

C’est pourtant déjà un monde qui sépare le jeune homme de Doc, Bats et les autres. Lui appartient à une autre espèce, homo technicus, l’homme digital, machine kid. Il vit sa vie en musique, danse dans la rue, calque ses actions et sa conduite sur le rythme des morceaux qu’il écoute, enregistre les voix de ses congénères pour les sampler et en faire des morceaux d’electro-rap zinzin. Il tombe amoureux d’une jeune fille ravissante à la voix de rossignol, avec laquelle il parle musique pendant des heures. Auprès des truands, il passe peut-être pour un autiste limite demeuré, mais dès qu’il a un volant entre les mains, attention, le son, Baby et la machine ne font alors plus qu’un, le moteur rugit et la route devient une piste de dance pour la gamme époustouflante de voitures que Baby « emprunte ».

Conçue carrément comme un élément rythmant la mise en scène, la bande son devient moteur de l’action, au point que même les coups de feu épousent le souffle du soundtrack. Car Edgar Wright s’essaie à filmer une danse, l’unification quasi organique de la musique et du mouvement à l’écran, une certaine idée de la synchronicité. La bande son fait la part belle aux classiques de la soul et du rock : James Brown, the Jon Spencer Blues Explosion, les Commodores, Queen, the Damned.

Baby Driver évoque aussi immanquablement les jeux vidéo open world du type GTA. Ok, Baby vole des voitures, se crashe, fuit la police en courant, vole une autre voiture, etc… Et alors ?

Le Fantôme de la 85 est une machine rock.


Baby Driver, un film d’Edgar Wright, avec : Ansel Elgort, Lily James, Kevin Spacey, Jon Hamm, Jamie Foxx.

 (Texte : Nicolas Metzler, Genève, Suisse / Crédits photos : Columbia Pictures)