Marion et Jérémy, l’Ural conjugal
C’est un couple de Français qui vit au Laos depuis trois ans, qui aime l’aventure et déteste la routine. Dopés au « pourquoi pas ? », ils ont découvert l’incroyable solidarité de la communauté uraliste, et s’apprêtent à prendre la route en février 2020, pour relier la France à la Mongolie. Rencontre.
Roaditude – Jérémy, avec Marion, vous êtes expatriés au Laos… Pouvez-vous vous présenter pour nos lecteurs, et nous expliquer ce que vous faites là-bas ?
Jérémy – Comment est-on arrivé au Laos ? Bonne question... En fait, nous vivions notre petite vie tranquille en France. Marion était architecte et moi manager dans une boite qui installe la fibre optique. L’idée de vivre à l’étranger germait déjà dans nos esprits de voyageurs depuis un moment. Et puis, un jour, la décision a été prise. Nous n'avions pas de contrainte particulière, un peu d'argent de côté – bref, c'était le moment idéal, on s’est dit « fuck it », on se barre ! Le plus difficile, c'est toujours de franchir le pas. Puis tout a été très vite. Démission, préavis, billet d’avion, etc.15 Septembre 2016, nous voilà arrivés au Laos !
Pourquoi le Laos ? On y avait déjà voyagé. On avait adoré l’accueil des locaux, les paysages et la nature sont magnifiques, et il y règne une ambiance nonchalante un peu bordélique. Qu’est-ce qu’on y fait maintenant ? Nous travaillons dans une agence de voyage spécialisée dans les tours hors des sentiers battus. Des treks à la rencontre des ethnies de montagnes, des raids moto aux confins du Laos, etc. On quittait la France pour trouver l’aventure, on a été servi. L’agence arrête maintenant les tours aventureux pour des visites plus standards. Il est donc temps pour nous de changer de vie à nouveau.
Vous animez le projet « Uralistan ». Le nom de votre projet fait directement référence au fameux sidecar Ural… Franchement, il n’y a plus que vous pour rouler avec pareil attelage ?
Effectivement, on peut se poser la question. Pourquoi partir faire 35000 bornes en Ural ? Pourquoi pas en GS, comme tout le monde ? Déjà, parce qu’on n’aime pas faire comme tout le monde… Mais alors, pourquoi un side-car ? Parce que le délire nous plaisait, c'est un véhicule pas anodin du tout, qui intrigue, et qui est déclencheur de rencontres. Le bonus ? Cela permet de transporter plus d'affaires. Pourquoi un Ural ? Parce que c’est robuste, que ça a de la tronche et quasiment pas d’électronique. C’est donc facilement réparable même paumé au milieu de nulle part. Et puis notre projet de voyage, c'est notamment de traverser la Russie, les pays de l'ex-Union soviétique, donc ça faisait écho.
En effet. D’ailleurs, qui dit Ural dit forcément Sylvain Tesson, et Bérézina. Est-ce qu’il y a un phénomène de mode là autour ?
Pas vraiment. On s’est orienté sur un Ural pour des raisons plutôt pratiques. Il nous fallait un side-car, distribué en France, robuste et sans électronique. L’Ural c’était le choix le plus logique. Bon… Il faut quand même bien l’avouer, on adore la gueule de l’engin.
La grosse surprise pour nous, ça a été de découvrir la communauté des Uralistes. On ne s’en doutait pas, mais il existe une population d’irréductibles side-caristes qui ne jure que par le carburateur et la vielle mécanique soviétique. Et ils sont d’une aide incroyable ! Achat, préparation, maintenance, ils ont réponse à tout, et n’hésitent pas à partager leur science sur la bête russe. La solidarité entre motards existe, celle entre Uralistes est encore plus forte.
Au printemps 2020, vous projetez de faire un road trip de 35000 kilomètres entre la France et la Mongolie. Quel est l’idée de ce voyage ?
L’idée première, c’était de rallier notre nouveau pays d’adoption par la voie terrestre. Soit un périple France-Laos en 2016. Mais, par manque d’expérience, nous avons préféré attendre un peu. Après trois ans à arpenter les pistes laotiennes et un road trip dans l’Himalaya en Royal Enfield, nous sommes maintenant prêts !
L’itinéraire retour Laos-France est beau sur le papier. Mais rapidement, nous avons ciblé deux difficultés majeures. La première, c’est l’achat du véhicule. Impossible d’avoir des papiers à son nom dans pas mal de pays d’Asie du Sud-Est (Laos, Thaïlande, Inde, etc.) – seuls les locaux peuvent acheter une bécane. La deuxième, c’est un passage obligé par soit le Pakistan, soit par la Chine. Nous préférons éviter le premier pays pour des raisons de sécurité et le deuxième pour des raisons financières.
Ça sera donc une boucle au départ de la France, bien plus simple à organiser. L’étape d’après ? Faire la liste de nos envies. Pour moi, la Mongolie et l’Europe par les pistes du TET. Pour Marion, l’Iran et les pays « en -stan ». C’est donc comme ça que l’itinéraire s’est dessiné. France- Europe par les pistes – Russie – Mongolie – pays « en -stan » – Iran – Balkans par les pistes – France. Plutôt cool, non ?
Où en est votre préparation, à cinq mois du départ ?
L’itinéraire général est défini. Maintenant, nous sommes en train de regarder pays par pays les spots à ne pas louper. Nous faisons régulièrement appel à la communauté de motards pour connaître leurs coups de cœur et leurs bons conseils. C’est comme ça qu’on détermine nos points de passages. Pas question de suivre un tracé ou un planning figé, nous nous laissons la liberté de passer du temps où l’on veut, au gré des humeurs. On n’a pas de date de retour, autant en profiter, non ?
Pour la partie paperasse (visas, carnets de passage, etc.), nous avons encore le temps. La super nouvelle, c’est que nous venons tout juste d’acheter notre monture ! Un magnifique Ural Ranger de 2012, couleur camouflage. Autant dire que les gens vont se retourner sur notre passage !
Comme nos amis Amaia et Marvin, que vous connaissez, vous voyagez en couple. Le voyage, c’est un risque ou une opportunité pour l’amour ?
Umh… A vrai dire, on ne s’est jamais vraiment posé la question. Marion et moi, nous voyageons ensemble depuis des années. Donc, on sait déceler les signes de fatigue ou de tension chez l’autre avant que ça devienne un problème dans le couple. Et puis, s’expatrier à deux, dans un pays quasi-inconnu représente plus de défis que de voyager à moto pendant une dizaine de mois.
35000 kilomètres vous attendent, mais vous en avez déjà quelques-uns dans le compteur, au sens propre. Quel a été votre dernier coup de cœur routier ?
Début Juillet, nous avons roulé dix jours au Ladakh. Comment en parler simplement ? C’était extraordinaire ! Des paysages incroyables, des Royal Enfield Himalayan increvables, des pistes de montagnes bien casse-gueule. Notre meilleur souvenir ? Quand je me suis gaufré lamentablement dans un torrent d’eau gelé. C’était au tout début de l’ascension du Kardhung La, le plus haut col carrossable du monde. Autant dire qu’on s’est bien caillé les miches tout le reste de la journée.
On se reparle en début d’année pour un nouveau point ?
Avec plaisir. Nous quittons le Laos à la mi-février. Il sera alors temps de finaliser les démarches administratives. Et surtout, nous allons faire un tour de chauffe pour voir si on n’est fin prêt. L’itinéraire n’a rien de bien extraordinaire. Depuis la Bretagne, nous rejoindrons le sud de la France par les pistes du TET, puis direction l’Espagne et ses déserts. Une boucle de quinze jours pour tester notre équipement, notre Ural, et voir si la configuration est correcte pour un trip sur au moins dix mois. On vous tiendra au courant !
Pour en savoir plus sur le projet de Marion et Jérémy, visitez leur site Internet www.uralistan.fr.
(Interview : Laurent Pittet, Nyon, Suisse / Crédit photo: Uralistan)