« La Nationale 7 n’est pas une route parmi d’autres »
Un rassemblement de voitures d’époque qui descendent de Montargis à Grasse, du 9 au 13 juillet, à l’ancienne, le long du tracé historique et original de la fameuse « route des vacances ». Éditeur d’un guide de voyage pour les collectionneurs de voitures et collectionneur lui-même, Alexandre Pierquet s’est allié à Thierry Dubois, dessinateur et historien incontesté de la Route Bleue, pour organiser cette première édition du rallye 100 Autos sur la Nationale 7. Déjà mythique.
Roaditude y participe bien sûr et vous fera vivre au jour le jour le déroulement de cette réjouissante aventure – ici même sur notre blog ainsi que sur notre compte Instagram. En attendant, Alexandre Pierquet évoque avec nous ce qui leur a donné envie de partager la découverte d’une route qui marque les esprits, les souvenirs et convoque toujours autant d’images immortelles : entre Peugeot 404, borne mythique rouge et blanche, relais routiers, tourisme gastronomique et musée mobile et urbanistique en plein air. Plus qu’une madeleine de Proust ou une incarnation mécanique du « c’était mieux avant », la N7 et son atmosphère unique sont un monument horizontal, autant de bitume qu’immatériel, qui serpente dans l’histoire sociale et culturelle – et les souvenirs d’enfance.
Roaditude – Pour vous, la Route N7 ce sont avant tout des souvenirs personnels ou une le plus beau territoire de France à arpenter en vieilles voitures ?
Alexandre Pierquet – La première fois que j’ai conduit sur la N7, j’avais 18 ans, je venais d’avoir mon permis. On descendait en Deux Chevaux vers Cannes par l’autoroute et comme on se faisait doubler par les camions, on a pris la N7. Ce fut une épopée incroyable, inoubliable. Ce n’est pas une route parmi d’autres: elle m’a replongé dans celle que j’empruntais avec mes parents sur le chemin des vacances – à l’époque, je ne savais pas comment elle s’appelait. Tout cela m’est revenu par flashes à 18 ans… des paysages, une ambiance, des odeurs. Je l’ai empruntée par la suite à de nombreuses reprises au cours de mes voyages, pour mes recherches sur les routes, mais sans éveiller nécessairement la partie historique, patrimoniale.
Quand a émergé l’idée d’organiser les 100 Autos sur la Nationale 7 ?
C’était il y a deux ans, au Mans Classic, un autre grand évènement mettant en valeur l’héritage des véhicules d’époque. Thierry Dubois est venu à moi avec un projet ambitieux dans lequel on mettrait 100 autos sur la Nationale 7. Au même moment, la FFVE (Fédération Française des Véhicules d’Époque, qui réunit l’ensemble des clubs, 180 000 collectionneurs, 2 000 pros affiliés) cherchait un évènement pour son 50e anniversaire. Alors, en juillet dernier, on a commencé à réfléchir, imaginer. Thierry s’occupe du road book et moi des participants : l’hébergement, l’organisation générale de la partie restauration. 100 autos, c’est 200 participants et 13 personnes à l’organisation, 2 motards de la gendarmerie habillés façon années 60 et avec moto d’époque.
Comment balisez-vous l’itinéraire ?
On a fait un premier road trip, une reconnaissance, au mois de mars. On a rencontré les institutions à même de nous recevoir. Nous sommes passés par le Relais des 200 bornes, par Lapalisse où s’organise le fameux embouteillage. Puis L’Arbresle, une ville médiévale du Rhône qui sera fermée pour l’occasion, où nous attendra un orchestre composés d’habitants habillés façon années 60, jouant des morceaux d’époque, pour nous replonger dans le temps. Et puis il y a la traversée de tous ces villages d’époque, à l’atmosphère singulière, jusque Valence, Aix en Provence et enfin Grasse, notre arrivée, où nous serons attendus également par le maire qui nous offre la place Honoré Cresp sur laquelle tout sera bloqué pour nous. Ce sera un évènement très festif, où nous rencontreront aussi les clubs locaux de véhicules de collectionneurs. On reste dans l’esprit que Thierry Dubois a réussi à insuffler dans l’embouteillage de Lapalisse et le bouchon de Tourves. Évidemment, il y a un dress code : pas de casquette américaine, mais des chapeaux. Pas de t-shirts à inscriptions mais des polos. Et puis, des robes pour les dames.
Vous voulez reconstituer l’ambiance, ou en tout cas une certaine image, des Trente Glorieuses en France ?
Oui, et pour ça nous sommes bien épaulés par la fédé, les clubs, les municipalités. Ce sera un spectacle pour tous les vacanciers et les juillettistes qu’on va croiser sur la route. Tant les participants que les spectateurs sont invités à jouer le jeu pour mettre un éclairage sur les voitures anciennes, l’ambiance de jadis, le voyage, le patrimoine routier. Nous avons voulu chercher le meilleur moyen de profiter, de s’amuser avec cette joyeuse équipe de collectionneurs, de sensibiliser le public et les instituions sur le patrimoine routier et l’industrie automobile et touristique qui demeurent des générateurs d’emploi, d’activité. Nous avons des Belges, de Suisses, des Américains. Les Belges et les Suisses sont de gros rouleurs. Et puis, il y a une personnalité de marque qui va sûrement s’inviter sur la route : la panne, qui fait partie du voyage et favorise les belles rencontres. On oublie trop la solidarité qu’il peut y avoir autour de quelqu’un qui tombe en panne. C’est une autre dimension que l’ère moderne. Le rallye peut se résumer comme suit : 996 km entre Montargis et Grasse, 15 départements et 120 communes traversés, 2000 d’histoire et 3 ans de légende. Cette route le mérite, tant elle est mythique. Elle n’est pas la seule, la Nationale 6 l’est aussi. D’ailleurs, on va faire un rallye similaire où vont briller des noms tels que le Vintage Bel Air ou la Route Napoléon.
On oublie souvent d’ailleurs que la Nationale 7 est très ancienne…
Effectivement, elle remonte à l’époque romaine, puis elle s’est développée durant le Moyen Âge et le début des Temps Moderne grâce aux postes. Durant l’Entre-Deux-Guerres, de grandes familles de restaurateurs étoilés se sont installés le long de la N7, dans les villes et villages étapes, où ils ont inventé le tourisme gastronomique, réinventé la notion d’étape. Il a fallu attendre les Trente Glorieuses pour qu’elle est devienne véritablement cet axe historique du Nord au Sud, qui a finalement été concurrencé par l’autoroute. Durant plus de trente ans, la N7 aura été un salon de l’automobile vivant. Les gens s’asseyaient au bord de la route pour regarder les voitures passer. Il fallait voir ça… tous ces véhicules populaires ou de prestiges, des utilitaires, des véhicules publicitaires, des caravanes…
Depuis lors, et progressivement, plusieurs tronçons de la route ont été déclassés, les villes contournées… C’est difficile de retrouver le tracé originel, non ?
Au moment où Thierry peaufinait son road book, en repérage, il me disait va à droite, par ici ou par là… Je ne comprenais pas pourquoi il fallait quitter ce que je pensais être la N7, mais qui en réalité n’était pas le tracé d’origine. On va faire pareil avec les participants : quitter la Nationale d’aujourd’hui pour se retrouver sur des portions désertes, qui sont absolument étonnantes. Des morceaux d’histoire oubliés mais inoubliables. On passera même devant la voie romaine qui était le tracé original et qui a été refaite : la voie aurélienne. Elle a existé avant d’être la Route Bleue des vacances, ce monument patrimonial et historique sur lequel nous roulerons et vivrons des moments émouvants, en redécouvrant ici un vieux cinéma, là des garages d’époque, ou des publicités murales.
La Nationale 7 est un plaisir pour les yeux…
Et pour l’esprit, aussi, avec tous ces souvenirs que nos parents nous ont raconté, transmis. Toutes les générations seront d’ailleurs parties prenantes. Notre plus jeune participant a 22 ans !
Vous-même, vous serez dans quel type de voiture ?
J’ai une MG ‘67 mais je ne la conduit pas, car je suis dans la voiture d’organisation. Mon fils la conduira. Thierry Dubois, lui, sera dans sa 404, bien sûr.
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(Interview : Nicolas Bogaerts, Bruxelles, Belgique / Crédit photo : Félix Potuit)