La Transjurane, une aventure humaine en images

85 kilomètres reliant, dans l’axe Nord-Sud, la frontière franco-suisse – Delle (F)/Boncourt (CH) – à Bienne, dans le canton de Berne (CH) : c’est l’A16 Transjurane, un projet routier helvétique de plus de 30 ans, dont le dernier tronçon vient d’être inauguré. Claude Stadelmann, cinéaste-producteur indépendant, consacre un beau film à cette aventure génie-civil qui aura bouleversé la vie de toute une région. 

Roaditude – Claude Stadelmann, vous réalisez le film Au bout du tunnel : la Transjurane. Quel cinéaste êtes-vous ?
Claude Stadelmann – Je suis un cinéaste-artisan. Né  le  5  octobre  1945  à  Delémont  (Jura  Suisse), j’ai suivi des études de Lettres à Neuchâtel  et  à Genève, avant de devenir enseignant, animateur d’un centre culturel, ainsi que critique  littéraire  et  théâtrale. EN 1987, j’ai monté une maison de production, Signe Productions. Comme  je  veux  éviter  le  piège  de  la sédentarisation, je me nourris de l’autre et de l’ailleurs – j’ai notamment fait de nombreux séjours à Madagascar. Je m’inspire souvent des lieux. J’apprécie le mouvement avec  une  bonne  dose  d’humanisme  et  de  curiosité.  Mon  incapacité  à  maîtriser  la  technique  audiovisuelle  me renvoie  naturellement  à  l’humilité  et  confine  ma  contribution  à  la  conception  et  à  la  scénarisation.  Avec l’expérience, j’apprivoise la chaîne de fabrication d’un film et ma sensibilité m’aide à percevoir mieux la partie cachée des personnes et des lieux. Quant à la forme, je privilégie l’improvisation, le contraste et la spontanéité.

Consacrer un film à la construction d’une route, c’est un peu incongru a priori. Quelle est l’inspiration de votre projet ?
La construction de la Transjurane représente d’abord une aventure humaine, puis un défi voire une gageure à la fois politique, économique et technique. En outre, il symbolise une étape déterminante vers l’ouverture et le désenclavement de la région. Il me paraissait important de visiter cette mémoire et de la nourrir d’une manière aussi éclectique que possible via une structure narrative originale et vivante.

Nous avons des lecteurs dans toute la francophonie, et nous parlons-là d’une route de 85 kilomètres. Pouvez-vous nous rappeler quelle est l’importance du chantier de la Tansjurane pour le canton du Jura et ses habitants ?
Via l’autoroute A16, le canton du Jura  est ainsi relié, par une voie rapide,  au plateau suisse (Bienne-Soleure-Berne) et à la France (Territoire de Belfort).  La construction de l’autoroute  a engendré  un volume exceptionnel d’emplois pour la region et favorisé une réflexion déterminante et autant de réalisations exemplaires en matière de sécurité, de protection de l’environnement, d’architecture. En outre, le tracé de l’A16 a révélé un passé archéologique et paléontologique exceptionnel (plus de 14’000 traces de dinosaures) que les maîtres d’œuvre (la Confédération suisste et l’Etat jurassien) ont largement contribué à mettre en valeur.

Si la mobilité aujourd’hui traverse le vocabulaire de notre société en long, en large et en travers,  il  apparaît que la Transjurane y participe au gré des difficultés géo-économiques, et dans la mesure de ses moyens et de ses dimensions.

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Votre film a également une dimension technique, avec beaucoup d’images réalisées durant les travaux. En quoi était-il important de documenter cette réalisation ?
Sur la « table de montage », plus de 300 heures de rushs sur la construction depuis le début des travaux (1987), des  archives de tout ordre en relation avec le projet et plus de 70 heures d’images sur les sites arcéologiques et paléontologiques. La complilation de cette gigantesque matière fut fastidieuse , mais incontournable pour en extraire « la substantifique moëlle ». Et comme cet exercice est très périlleux, j’ai privilégié un récit sous forme de chapîtres avec des séquences en décalage, avec la contributiomn artistique du collectif Plonk et Replonk plutôt que d’emmener le spectateur dans l’univers spécialisé et souvent inaccessible des ingénieurs, des techniciens et… des décideurs. D’où, un documentaire long métrage atypique, aux antipodes du reportage – un qui porte une signature.

Avez-vous un attachement particulier à cette route, peut-on dire que la Transjurane est désormais votre route de cœur ?
A l’image des gens de la région, je revendique le caractère audacieux et cohérent de l’ouvrage. Mon attachement est évidemment lié à l’aventure humaine dont les mineurs, les ouvriers, les techniciens et les ingénieus sont les acteurs principaux. Je conçois aussi mon travail comme une contribution à la mémoire collective et j’estime que la Transjurane s’inscrit dans une perspective historique importante.

Vous tournez depuis bientôt 40 ans… Quelles sont vos projets pour l’avenir ?
Je reviens à la fiction avec le projet Hodler et Valentine. Avec Francis Reusser et Niklaus Guedel (conseiller scientifique et directeur des archives de la Fonation Jura Brueschweiler), nous travaillons sur le scénario qui évoquera la face cachée du célèbre peintre suisse, notamment à travers le spectre des ses amours… durant la dernière partie de sa vie. 2018 marquera le 100e anniversaire de la mort de Ferdinand Hodler.

Viaducs des Grand’Combes, Boncourt

Viaducs des Grand’Combes, Boncourt

Tunnel de Moutier

Tunnel de Moutier

Tunnel de Bure

Tunnel de Bure

Secteur Roche, St-jean

Secteur Roche, St-jean

Secteur Court-Loveresse

Secteur Court-Loveresse

Jonction de Tavannes

Jonction de Tavannes

Jonction de St-Ursanne

Jonction de St-Ursanne

Jonction de Glovelier

Jonction de Glovelier

Jonction de Courgenay

Jonction de Courgenay


Le film est visible au Cinémont de Delémont, au Cinoche de Moutier, au Cinéma Lux des Breuleux, au Cinélucarne du Noirmont, au Lido de Bienne, au Ciné2520 de La Neuveville, à l’ABC de La Chaux-de-Fonds au Cinéma Minimum de Neuchâtel. D’autres lieux sont à venir en Suisse romande.

Pour en savoir plus sur Claude Stadelmann et Signe Productions, vous avez la possibilité de visiter le site Internet www.signe-productions.ch.

Le site Internet officiel du chantier vaut également la peine d’être visité : www.a16.ch.

(Interview : Laurent Pittet, Nyon, Suisse / Crédits photo : Signe Productions pour l’affiche du film, infoA16 pour les images)