Vans: 50 ans de poésie urbaine

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Dans une scène culte de la comédie US Fast times at Ridgemont High (1982), un tout jeune Sean Penn en skater ébouriffé porte en trophée le modèle slip-on à damier noir et blanc de Vans. Au moment de fêter son 50e anniversaire, la marque fétiche des skaters est devenue une icône. Et sur la route de la gloire, ce caméo a eu son importance.

Jusque là cantonnée à la niche des adeptes du skate ou du surf, la marque, créée en 1966 par les frères Paul et Jim Van Doren sous le nom de Van Buren Rubber Company, n’a pas encore l’aura dont elle bénéficie aujourd’hui. Mais dans cette scène, loin d’être un placement produit comme il en existe tant aujourd’hui, la présence de ces Vans a valeur de citation culturelle : elle est une clé de voute qui identifie le personnage de Sean Penn à la culture dont il est issu et qui est en passe de prendre le dessus sur une mode vestimentaire dont elle sera une icône, 10 ans plus tard.

Ceci n’est pas un… van.

Ceci n’est pas un… van.

Comment ce cameo de quelques secondes dans un petit films pour ado a pu être si conséquent sur la marque et son image ? D’abord c’est l’effet Fast times, qui est considéré comme l’archétype fondateur du teen movie américain des années 80. Ce genre a glorifié les loosersskatersnerds et ados mal adaptés, les anti héros magnifiques, les herbes folles et les  frêles bourgeons qui poussaient à la marge du récit de l’Amérique triomphante et musclée (La Folle Journée de Ferris Bueller, Rose Bonbon, Breakfast Club,…), au rythme d’une musique vouée elle aussi à sortir de la marge : punk, hardcore, new wave, rock indé, etc. Ils ont été le miroir fidèle d’une génération de kids boutonneux ou abrasifs, mal adaptés ou inclassables, devenus en une décennie des modèles de coolitude dont les fans de –mettons- Nirvana, Beastie Boys ou Red Hot Chili Peppers ont pu se revendiquer.

Les mains sur le bitume
Il convient de donner le crédit à celles et ceux qui ont donné son élan, bien malgré eux, à la percée de la culture alternative mainstream du tournant des années 80 et 90. A l’aube des années 70, une poigné de kidssurfers de la Côte Ouest des USA, les Zephyr Boys, ont fait du skate plus qu’un mode de transport de la piaule à la plage,  bien plus qu’une discipline sportive : un mode de vie, un style, une esthétique. Leur technique reproduit les mouvements et figures du surf : nose riding, roller, cut backs, duck dive imaginaires, qui leur fait glisser la main sur le bitume comme s’il s’agissait de caresser l’écume. Ils débordent des aires traditionnelles (skate parks, réservoirs) pour investir les voies carrossables, parking, escaliers publics ainsi que des piscines privées vidées par la sécheresse qui sévit en Californie au milieu des années 70. Ils ont nourri les techniques autant que l’imagerie du skateboard. Pour ces adeptes d’un skate en retour de hype, immortalisés dans le documentaire Dogtown and Z-Boys en 2001 (narré par Sean Penn, y a pas d’hasard), les chaussures conçues par les frères Van Doren répondaient à leurs attentes singulières : résistance et souplesse, semelle adhérente, look désinvolte. En mars 1976, Tony Alva et Stacy Peralta deux membres de ce groupe pionnier d’un skate radicalement punk, libre et stylisé, devenus des stars, s’associent à la marque, qui sort son modèle classique bicolore (bleu et rouge), la Vans #95.

Les Z-Boys ont contribué à forger la mythologie Vans.

Les Z-Boys ont contribué à forger la mythologie Vans.

Manufacture du cool
Les modèles Vans étaient exactement ce qu’il fallait à ces idolâtres du style et de la technique. Outre les qualités intrinsèques de la chaussure qui allie adhérence et confort, le look exprimait à merveille cette promesse tacite que ces kids effrontés s’étaient faite à eux-mêmes : placer au dessus-de tout la liberté de faire ce que bon leur semblait, coloniser les rues, les trottoirs, les routes pour y créer leurs mouvements, et y allier le look qui exprimerait au mieux cette philosophie rédigée entre le bitume et les nuages. La « House of Vans » est désormais synonyme de manufacture du cool. Et ces kids qui s’étaient jurés de vivre un été éternel sur leurs planches, en ont été la plus immédiate incarnation.

La « House of Vans » est désormais synonyme de manufacture du cool.

La « House of Vans » est désormais synonyme de manufacture du cool.

En 1977, la rayure blanche en chicane fait son apparition sur les côtés du modèle « old skool » (#36). Les « slip-ons », modèles sans lacets et à damiers, créent la sensation parmi les skaters et les adeptes de vélos BMX. Dès 1978, la Style 38, rebaptisée SK8-Hi, chaussure montante en couleur unie bleu ou en damier va être adoptée par plusieurs générations de skaters, artistes, musiciens, assurant à la marque un lignage de près de 40 ans. Et puis Sean Penn hisse Vans au rang d’objet culturel majeur de la décennie, propulsant la marque hors du sillage du skate pour la faire progressivement connaître du grand public.

Du street wear aux cols de montagne
Au début des années 90, la culture alternative américaine (Hip Hop, Grunge, Hardcore) devient le mainstream, et, naturellement, le skate, qui en est un des éléments les plus emblématiques, envahit les esplanades, les parkings, les places d’Europe et du monde pour une seconde vague, plus massive encore que dans les années 70. Avec d’autres marques, Vans devient un des accessoires clés d’une panoplie prisée par celles et ceux qui entendent se démarquer radicalement. Vans a réussi à maintenir l’esprit de fronde, de liberté qui caractérise cette image héritée des premiers skaters qui ont forgé la légende : en coproduisant des vidéos, documentaires ainsi qu’en finançant les premières grandes compétitions internationales, Vans a accompagné le nouveau visage de la contre-culture, venu bousculer les codes rigides de la cultures de masse.

Au début des années 90, la culture alternative américaine (Hip Hop, Grunge, Hardcore) devient le mainstream.

Au début des années 90, la culture alternative américaine (Hip Hop, Grunge, Hardcore) devient le mainstream.

Au début du millénaire, à la veille de fêter son 40e anniversaire, Vans, appuyé sur sa philosophie « off the wall » synonyme de décloisonnement, est devenu une marque de renom. Les empreintes de ses semelles sont des sceaux qui font autorité non plus seulement sur une planche mais dans la mode urbaine ou péri-urbaine. Et comme pour boucler le cycle, elle fait une OPA définitive sur le monde du BMX avec le premier event BMX/Hard rock Let it Ride de Las Vegas, en 2005.

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Pour fêter 50e son anniversaire, au printemps dernier, la marque a revisité son passé, son héritage et l’a ancré dans le présent : des évènements qui ont pour théâtre les magasins « House of Vans » transformés en lieu de performances pour des artistes invités tels que Dinosaur Jr, le Wu-Tang Clan, Jamie XX. Des collections capsules, des mini documentaires racontant l’impact de la marque sur la culture, avec des interventions du chanteur Henry Rollins, des skateur Steve Caballero et Lizzie Armanto.

Une panoplie prisée par celles et ceux qui entendent se démarquer radicalement (ici, Henry Rollins).

Une panoplie prisée par celles et ceux qui entendent se démarquer radicalement (ici, Henry Rollins).

Bien plus qu’un coup d’œil nostalgique dans le rétro (fût-il celui d’un combi VW 70’s), le jubilé de la marque née à Anaheim, terre de Disney Land, est aussi une manière de reconnaître le chemin parcouru par ces kids juchés sur des planches à roulettes pour se hisser au sommet de la poésie urbaine, et qui essaiment désormais sur les routes de montagnes, au grand air, laissant une trace indélébile sur le bitume et le béton de nos vies contemporaines.


(Texte: Nicolas Bogaerts / Crédits photo : Vans)