Wheel of Cheese, l'art alpin revisité
Wheel of Cheese est une nouvelle marque originale qui se propose de revisiter l’histoire graphique des Alpes pour proposer des objets souvenirs de qualité. Les routes de montagne, logiquement,tiennent une place de choix dans les visuels qu’elle propose. Rencontre avecson créateur, Robert Topulos, à l’heure où une exposition de ses œuvres (leterme n’est pas trop fort) est inaugurée dans le mythique Palace de Gstaad.
Roaditude – Robert Topulos, graphiste, artiste, entrepreneur… Qui êtes-vous ? Pouvez-vous vous présenter pour nos lecteurs ?
Robert Topulos – Je suis artiste, avec un background lié au milieu du skateboard dont la culture graphique m’a mené à m’intéresser à une grande variété de mediums artistiques. Durant mon enfance, j’ai été un grand adepte du travail de Don Rosa et des dessins animés tels que Wile E. Coyote and the Road Runner, Taz Mania ou encore Beetlejuice. Plus tard, j’ai découvert le travail de Jim Philips de Santa Cruz Skateboards. Ce fut le premier artiste dont le travail m’a inspiré l’idée de créer une marque. J’avais lancé WD*GVA à l’époque avec Andreas Delaloye, un ami passionné de BMX. L’idée était de créer des visuels sur des t-shirts en travaillant avec des artistes locaux et de promouvoir la jeune scène skateboard/bmx locale, tout en organisant des événements où les artistes pouvaient exposer leurs travaux personnels ou encore créer des oeuvres en live. C’était une première à Genève.
Par la suite, ma passion pour les artsgraphiques et audiovisuels m’a mené à me former à la Haute École d’Art et Design (HEAD) ainsi qu’aux Beaux-Arts à Genève. Durant cesétudes, j’ai énormément développé mes différents styles graphiques, expérimentédifférents médiums et eu l’occasion de travailler, en binôme avec Meryl Schmalz,sur des projets de grande envergure telles qu’une gigantesque fresque à mainlevée réalisée pour l’Office Cantonalde la Population, qui traitait du thème de la migration. J’ai aussiparticipé et remporté de nombreux concours en illustration mais aussi dans lacréation d’affiches, notamment une œuvre réalisée pour la théâtre de la Manufacture à Lausanne qui s’estfaite repérer par le Musée du Designde Zurich qui l’a inclus dans sa collection. A côté de ma passion pourla création, j’éprouve sans cesse le besoin de voyager et les endroits tels quela montagne, le désert, l’océan ou encore les paysages volcaniques me comblent.Cela vient probablement des aventures que je découvris à travers les dessins deDon Rosa quand j’étais petit.
Parlez-nous de Wheel of Cheese, une marque que vous avez lancée en 2018… Quelles sont l’origine et l’idée de ce projet ?
Wheel of Cheese vient de ma passion pour le cinéma des années 50, des affiches touristiques, d’aviation mais aussi du mouvement Art Déco ou des affiches commerciales de l’époque qui décorent les murs de mon atelier. J’ai toujours rêvé de créer des affiches dans ce style mais je n’avais jamais trouvé d’idée qui se démarquerait des travaux des anciens artistes tout en respectant la tradition de leur usage. Dans le sens qu’elles avaient une utilité avant tout. Quelque chose de nouveau dans ce contexte me paraissait également primordial pour asseoir mon travail parmi le leur.
C’est lors d’un petit voyage Genève-Milanet Milan-Genève en voiture, sur un coup de tête en plein hiver, que jedécouvris le col du Simplon, plus particulièrement l’hospice, qui m’a tout desuite fait penser à Shining de StanleyKubrick. C’est cet endroit qui m’a fait réaliser que la plupart des gensne font pas de détour sur leurs itinéraires et que du coup, ils n’ontprobablement jamais vu cet endroit. Et c’est à partir de là que l’idée est née:il n’existait pas d’affiches à l’effigie des cols alpins Suisses. Je pouvaisdonc commencer la collection. S’en est suivi le Cervin et d’autres projetssimilaires.
Le concept et la marque Wheel of Cheese, quant à eux,sont un travail en binôme avec mon ami de longue date Vincent Cherpillod, historien et journaliste genevoisspécialiste des Alpes et de l’histoire suisse. C’est un auteur qui a le talentde manier les mots avec une grande précision, mais également un passionné demontagne et de voyages. Nous travaillons ensemble sur la communication duprojet mais également sur le développement de chaque nouvelle idée.
Vos produits sont très qualitatifs en termes de visuel et de finition. Redonner à la montagne ses lettres de noblesse, c’est ça votre ambition ?
Merci beaucoup, ça fait très plaisir. L’idée principale, c’est de donner envie au monde de découvrir ces endroits. Depuis la construction des tunnels, les cols alpins sont devenus des détours. Certains endroits tels que l’hôtel Belvédère, sur le col de la Furka, où a été tourné le James Bond Goldfinger, ont fermé leurs portes car le lieu n’était plus assez fréquenté pour être rentable pour les propriétaires.
Pourtant, ces endroits demeurent toutsimplement incroyables. L’exemple de la Furka où se situe cet hôtel qui donnesur le glacier du Rhône, et où en plus a eu lieu le tournage d’un James Bondmythique, c’estjuste incroyable qu’il puisse avoir fermé ! D’où l’idée d’avoir égalementproposé une partie des visuels sous forme de plaques émaillées comme àl’époque, accessible aux touristes sur les lieux et qu’il est possibled’emmener dans l’avion sans qu’elles s’abiment comme cela pourrait être le casavec du papier.
Il y a un lien qui s’est automatiquementcrée avec l’artisanat du souvenir, dans lequel les visuels ne sont pasforcément la priorité des différents acteurs du marché. En tant qu’artiste, cequi m’importe est de créer des choses qui perdurent à travers le temps, maisaussi qui sont réellement à l’image des endroits que j’ai pu visiter et desaventures que j’y ai vécues. L’affiche du Grimsel, par exemple, j’ai eul’occasion de vivre cette mise en scène en campant sur le haut d’une collinedans les environs avec la vue sur la Furka. L’endroit est devenu mon col alpinpréféré et je conseille à tout aventurier de faire la même chose. Il y aégalement énormément de clins d’oeil cachés à la culture populaire dans lesoeuvres. Grimsel fait référence à The Great Escape avec Steve McQueen, celle de Zermatt estun clin d’oeil à Breitling etson tour du monde avec le DC-3, le Simplon Pass au Grand Budapest Hoteldu talentueux Wes Anderson, laMatterhorn à l’iceberg dans le Titanic, la Flüela avec le van dont lesplaques d’immatriculation sont celles de l’A-Team, la fameuse série TV des années 80 avec Mister T.
L’idée est donc effectivement de redonnerà la montagne ses lettres de noblesse, mais également d’y parler de la culturepopulaire avec des références pour la plus grande joie des passionnés de cinémaet de culture pop. Je veux toujours créer plus qu’un visuel, il faut pouvoir ytrouver un double sens, voir un triple sens. C’est encore loin de la subtilitédes artistes qui m’influencent mais c’est dans cette direction que j’orientemon travail. La profondeur de la création.
Les cols alpins occupent une place de choix dans votre univers visuel. Peut-on dire que la route est une composante à part entière du mythe alpin ?
La route est, en effet, un élément très présent dans la collection des Swiss Legendary Drives. J’ai d’ailleurs lancé un compte Instagram où d’autres thèmes en lien à la montagne sont également mis en l’avant. Il y a une partie qui met en avant le travail de photographes actuels et une autre partie qui se base sur différentes archives du pays. C’est ainsi que vous pouvez découvrir des scènes comme par exemple: des serveurs sur patins à glaces qui servent des cocktails dans des hôtels de St-Moritz ; les courses automobiles des années 30 au col du Klausen ; le Tour de Suisse avec le légendaire Bernard Hinault grimpant le St-Gotthard.
Effectivement, la route est unecomposante à part entière du mythe alpin. Le traçage d’une route dans unemontagne, historiquement, bouleverse toujours profondément son histoire etcelle des environs. Le cas le plus emblématique est évidemment la création dela route carrossable du St-Gotthard. De plus, c’est une manière de voyager quime parle énormément, l’idée de « la route » à l’image du film LesValseuses avec Depardieu.Et puis, les cols alpins sont vraiment particuliers car parfois peu fréquentés;on s’y trouve en phase avec la beauté de la Suisse, sans dérangement. Tenez,par exemple, j’ai emmené une amie d’enfance qui vit à Shanghai à travers cespaysages, et ces endroits tiennent leur promesse en plein soleil comme enpleine tempête (ce n’est pas le jet d’eau de Genève qui peut en dire autant !!!),et puis les sommets tels que le Cervin, c’est le genre de montagne dont ontombe amoureux. Comment, en tant qu’artiste, ne pas vouloir lui rendre hommageencore une fois aujourd’hui ?
Parlez-nous de l’exposition que vous inaugurez aujourd’hui à Gstaad…
C’est après plusieurs expositions, notamment à l’Aéroport de Genève ou à l’Hôtel Royal Savoy de Lausanne que j’ai eu l’occasion de rencontrer M. Scherz, directeur du Gstaad Palace, avec qui nous partageons une passion pour l’aviation mais également pour les affiches anciennes. Ce fut une belle rencontre, j’ai appris beaucoup d’anecdotes sur les lieux, notamment que Michael Jackson a voulu acquérir l’établissement pour y vivre. Au-delà de l’architecture de ce château en pleine montagne, c’est vraiment à l’intérieur que l’on ressent une atmosphère unique en son genre. On comprend pourquoi le leader des Jackson 5 aurait aimé y vivre.
C’est au Lobby Bar avec une vuespectaculaire sur les montagnes que j’ai partagé un café avec M. Scherz. Nousavons alors discuté de la création de nouvelles affiches à l’effigie duprestigieux palace historique. Il faut savoir que l’établissement est géré parla famille depuis trois générations et que de nombreuses personnalités y ontséjourné. Le lieu partage le glamour d’un grand établissement classique tout engardant une authenticité et le confort d’un hôtel alpin. On s’y sent bien.
Exposition de Robert Topulos et Wheel of Cheese à voir au Gstaad Palace du 4 au 7 février 2019. Vernissage le mardi 4 février à 17h.
Vous avez également la possibilité de découvrir le site Internet de Wheel of Cheese, ainsi que son compte Instagram.
(Interview : Laurent Pittet, Nyon, Suisse / Crédits photo : Menelik Jourdan, Lou Tapissier)