Routes américaines - La Ruta 40, l'Argentine du Nord au Sud (1/2)

À des milliers de kilomètres de Buenos Aires, la Route 40, parfois accidentée, parfois rectiligne, toujours imprévisible, longe la Cordillère des Andes. La parcourir revient à découvrir le caractère de l’Argentine, un pays bien différent de sa capitale. Commençons par le Sud.

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Patagonie, terre de grands espaces. Ils sont nombreux à l’avoir admirée et relatée dans la littérature: Saint-Exupéry et son Vol de nuit, où le héros assure la livraison nocturne du courrier aéropostal. Bruce Chatwin et In Patagonia, malgré ses aventures semi-véridiques. Paul Theroux, qui observe les paysages défiler depuis la fenêtre du Old Patagonian Express

Quand le vent se lève
Mais comme la colonisation dans le Sud de l’Argentine date de la fin du 18e siècle, il faut attendre 1932 avant le début de la construction d’une route digne de ce nom propice aux roadtrips à échelle démesurée. Et encore, la poussière rend la visibilité parfois nulle par endroits, quand le vent se lève et que les éléments reprennent possession de l’étroite piste qui traverse la nada, le rien patagon. Le gravier recouvre aujourd’hui environ 50% de la 40.

Le parcours de la route a changé avec les années, et le kilomètre 0 a récemment été déménagé à Cabo Virgenes, à l’extrémité méridionale continentale de l’Argentine. La Route 40 commence donc au bord de l’Atlantique mais s’en éloigne rapidement pour se rapprocher des Andes.

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Que dire des premières centaines de kilomètres? Qu’il vaut mieux s’armer de patience et d’un thermos d’eau chaude en prévision du maté pour passer le temps, parce que même le plus beau paysage peut devenir répétitif après des heures: trop de grands espaces tue la perspective. La steppe est uniforme; les touffes de gazon se suivent et se ressemblent. Heureusement, un guanaco, l’un des 4 camélidés observables en Amérique du Sud, vient rompre la monotonie de temps en temps. Parfois, ce sont les quelques bâtiments d’une estancia au loin, en tôle. Des clôtures interminables la bordent et donne une idée de la richesse de ces propriétaires terriens, pour la plupart Argentins depuis quelques générations seulement.

Le ciel est immense, bien sûr, et on prend conscience de notre petitesse. De notre fragilité aussi. Le trafic est rare dans la région en hors-saison, les pneus de rechange en cas de crevaison, un bidon d’essence et les couvertures chaudes en cas de nuit froides sont fortement recommandés au voyageur qui tient à sa paix d’esprit.

Aussi utilitaire que touristique
Sauf qu’en été, la Cuarenta est aussi utilitaire que touristique. C’était un peu le but du gouvernement de Nestor Kirchner (natif de Santa Cruz, une province du sud traversée par la 40) qui a amorcé des travaux importants en 2003, contribuant à la rendre (relativement) plus carrossable. Une opération de relations publiques internationales sous le couvert d’investissements nécessaires: venez en Argentine! Nous avons une route, pavée par endroits, qui s’étend sur 5000 km!



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Preuve du succès: bien que la température estivale soit toute relative à moins de 1500 kilomètres de l’Antarctique, on se croirait presque dans une région habitée de décembre à mars. La route fait office de colonne vertébrale entre les différents incontournables. Il faut digresser si l’on veut voir El Chaltén et son Fitzroy ou encore l’immense glacier de Perito Moreno, à Calafate, mais l’on retrouve toujours la 40 pour la suite du trajet. C’est bien la seule option à moins de passer par la côte (Route 3) ou le Chili (la Carretera Austral n’est pas très loin, si l’on franchit les Andes).

Ainsi, il n’est pas rare de croiser, en ordre d’intérêt: des poids lourds, des roulottes toutes équipées à divers stades de santé mécanique, des motocyclistes poussiéreux ayant quitté l’Alaska il y a des mois (voire des années) et même des cyclistes! Le trajet de la 40 constitue un voyage en lui-même…

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La Ruta de los Siete Lagos
Si l’on continue vers le Nord donc, à travers le territoire désolé, aride, inhospitalier et pourtant grandiose, on traverse nécessairement El Bolsón, village ami des hippies argentins (ils sont nombreux) et des amateurs de micro-brasseries (eux aussi). Ici, de la verdure enfin. Le paysage change à vue d’oeil (un des avantages de remonter le continent par la terre plutôt que par les airs), et n’est pas sans rappeler le mélange de forêts et lacs québécois. Une question de latitude, sans doute, un effet de miroirs entre les hémisphères. On continue, encore, jusqu’à Bariloche, destination de prédilection pour les collégiens en fin de parcours. Là, la 40 s’appelle Juan Marcos Herman, en l’honneur d’un étudiant «disparu» lors de la dictature militaire des années 70. La 40 longe le parc national Nahuel Huapi et devient alors la Ruta de los Siete Lagos, le tronçon le plus connu de la 40 peut-être. Il y a de l’eau! De la végétation! C’est une région beaucoup plus adaptée au camping, ou au ski pendant l’hiver.

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Et puis, le paysage redevient plus sec tandis que l’on garde le cap sur le Nord… Faisons une pause avant d’entamer la deuxième partie du trajet.


Lire la deuxième partie (Nord)

(Texte : Nora T. Lamontagne, Québec, Canada / Crédits photo : Adwo, Dario Alpern, TommoT, Valery Shanin)