"Je me suis demandé pourquoi les hommes construisent de telles routes"

Si la photographie de cols était un genre artistique, Stefan Bogner en serait le Maître incontesté. Y a-t-il une route de montagne qu’il n’a pas encore photographiée ? A l’heure où la rédaction de Roaditude prépare un numéro qui fera la part belle aux routes alpines (numéro 2, sortie en novembre 2016), il était absolument nécessaire de rencontrer cet autodidacte magicien, véritable esthète de la sinuosité.

Roaditude – Stefan Bogner, vous êtes un photographe professionnel. On vous connaît mal dans les pays francophones. Pouvez-vous vous présenter ?
Stefan Bogner – J’ai 47 ans, je suis né à Munich où je vis avec ma femme et deux enfants. J’ai parcouru les montagnes depuis mon enfance, à ski, en snowboard, en randonnée ou avec la vieille Porsche. En fait je ne suis pas photographe professionnel. J’ai étudié le design industriel et travaille depuis 23 ans dans le domaine du conseil et du design. C’est le projet Curves qui m’a amené à la photo.

« C’est le projet Curves qui m’a amené à la photo. »

« C’est le projet Curves qui m’a amené à la photo. »

Quelles sont vos coups de cœur et vos influences en termes de photographie ?
Il y a tant de bons photographes – Richard Avedon, Anton Corbijn ou Nick Night – que j’aime regarder. Mais aussi des gens venus d’autres milieux, comme Laurent Nivalle, le designer, sont remarquables. Dernièrement, je suis allé à l’exposition Leica « Augen auf » et à l’exposition Salgado « Genesis » – magnifique ! La technique a aussi son influence – analogique, digitale, et l’environnement dans lequel on vit. J’aime travailler rapidement et ne suis pas ami avec les installations studio ou les trépieds. Cela se voit aussi sur mes images. De manière générale, j’aime regarder le monde.

Vous êtes le fondateur de la revue Curves, l’auteur du livre Escapes – Traumrouten der Alpen… D’où vous vient cette fascination pour les routes de col ?
D’une manière ou d’une autre, je suis marqué par la montagne et y suis souvent, mais je ne suis pas un alpiniste. J’aime aussi descendre de la montagne. Pour moi, la montagne, c’est comme une prise pour recharger ses accus. Une fois, dans les Dolomites, je me suis demandé pourquoi les hommes construisent de telles routes. Regardez le vieux Gothard et le Stelvio : du pur art architectural ! C’est là que j’ai eu le déclic, il fallait que je me lance dans une sorte de guide de voyage.

« Regardez le vieux Gothard et le Stelvio : du pur art architectural ! »

« Regardez le vieux Gothard et le Stelvio : du pur art architectural ! »

On comprend bien la dimension esthétique des sinuosités, mais on s’étonne du fait que vos routes soient inhabitées, comme si on n’y croisait personne. Un col, c’est forcément mélancolique ?
Non pas du tout – c’est plutôt quelque chose d’archaïque. Il y a des routes à l’abandon – là, on est dans la mélancolie – on voit tout de suite qu’elle n’est plus utilisée.

Vous connaissez tous les principaux cols d’Europe. Quel est votre favori, et pourquoi ?
Question difficile. Quelque chose m’attire toujours vers Andermatt, le Susten, le Grimsel, la Furka, le Nufenen et le vieux col du Gothard, que l’on peut traverser en un jour. Ces cols sont très différents les uns des autres, dans leur construction. Chaque col a sa particularité, selon la saison et les conditions météorologiques. Le week-end passé, je suis allé au Col de l’Albula… Une impression de déjà vu, presque un ennui… Mais le temps était si dramatique que c’était exceptionnel ! Bon, mais j’avoue que pour moi, la Route des Grandes Alpes reste un highlight.

« Quelque chose m’attire toujours vers Andermatt, le Susten, le Grimsel, la Furka… »

« Quelque chose m’attire toujours vers Andermatt, le Susten, le Grimsel, la Furka… »

On sait que vous collaborez de façon étroite avec la marque Porsche. On a découvert la nouvelle 911 au Salon de Genève. Franchement, vous oseriez faire un col enneigé avec un tel bolide, vous ?
L’hiver, c’est le nouvel été ! C’est sûr ! Et avec un turbo, c’est juste extraordinaire. J’ai déjà fait le col de la Flüela enneigé en Porsche 918 – on peut voir les images de ce voyage dans mon livre (918 Spyder, disponible sur Amazon, comme toutes ses publications – NDLR). Mon nouveau projet passe également par des routes alpines enneigées. Il sortira en novembre.

« L’hiver, c’est le nouvel été ! C’est sûr ! Et avec un turbo, c’est juste extraordinaire. »

« L’hiver, c’est le nouvel été ! C’est sûr ! Et avec un turbo, c’est juste extraordinaire. »

Justement, quel est votre prochain projet ?
Escapes – Winter, justement un livre sur les cols alpins enneigés, basé sur des photographies prises ces 3 dernières années. En outre, un Curves Ecosse sortira en octobre, et je prépare également d’autres livres sur l’automobile.

Après les Alpes et la Californie (ici, la Route 1), c’est en Ecosse que Curves nous emmènera cet automne.

Après les Alpes et la Californie (ici, la Route 1), c’est en Ecosse que Curves nous emmènera cet automne.


Pour en savoir plus sur Curves, visitez son site Internet www.curves-magazin.com.

(Interview : Laurent Pittet / Crédits photo : Stefan Bogner, Marc Charmet pour les publications)